Vers une agriculture libre de déforestation : CAFI et le Cameroun signent une lettre d'intention

Two farmers collect cocoa pods from trees during harvest in Cameroon

Des ambitions financières pour la protection des forêts à la hauteur des enjeux de développement économique durable du 5ème producteur mondial de cacao et son ambition de devenir le "grenier agricole" de l'Afrique

8 octobre 2024 – Conférence sur la durabilité de Hambourg, Allemagne -  la Ministre allemande de la Coopération économique et du Développement (BMZ), SE Ms Svenja Schulze, au nom de l’Initiative pour la forêt de l’Afrique centrale (CAFI), et le Ministre de l'Economie, planification et Aménagement du territoire SEM. Alamine Ousmane Mey ont signé lundi 7 octobre une Déclaration conjointe portant sur la première Lettre d’intention conclue entre CAFI et le Cameroun, ce en présence de Mr Achim Steiner, Administrateur du Programme des Nations Unies pour le Développement. 

La Lettre d'intention, annexée à la Déclaration conjointe, a elle-même été signée aujourd'hui par le Ministre Alamine Mey du Cameroun, la Ministre britannique du Développement Mme AnneLiese Dodds et le Secrétaire d'État de la BMZ M. Jochen Flasbarth. 

Cette étape historique marque le lancement du partenariat entre la République du Cameroun et CAFI, en vue de mobiliser conjointement 2.5 milliards de dollars (US$) d’ici 2035 pour assurer la transition du Cameroun vers une croissance économique verte. Le Fonds CAFI, fonds multipartenaires géré par le Bureau MPTF, a déjà engagé 60 m US$ pour la phase de démarrage du partenariat jusqu’en 2027.

En ligne avec les objectifs de la Déclaration des Dirigeants de Glasgow de 2021 sur les Forêts et l’Utilisation des Terres et les objectifs d’émergence fixés par la Stratégie Nationale de Développement 2030, le Cameroun s’engage notamment, via cette Lettre d'íntention à une agriculture libre de déforestation d’ici 2035. Le partenariat conclu aujourd’hui appuiera ce pays, au fort potentiel agricole et aux plus de 30 millions d’hectares de forêts, à réduire considérablement la déforestation d’ici 2029, avec pour référence les 110,000 hectares de déforestation annuelle sur la période 2016-2022.

Cette signature représente la 5ème Lettre d’intention conclue par CAFI avec l'un de ses pays partenaires, gage renouvelé de la reconnaissance au plus haut niveau des engagements de la région pour les forêts et le climat d’une part, et de la mobilisation des bailleurs de fonds d’autre part.

Retrouvez la Déclaration ministérielle conjointe ici

Retrouvez la Lettre d'intention ici 

Concilier l’essor économique du Cameroun avec la préservation des forêts  

Par le biais de cette Lettre d’intention, à la fois ambitieuse et compréhensive, le Gouvernement du Cameroun s’engage, sur la base de la mobilisation de financements conséquents, avec des jalons à atteindre sur la période 2025-2027, à agir sur trois volets principaux :  

1) L’intensification durable de l’agriculture au sein du domaine forestier non-permanent, ce afin d’assurer la sécurité alimentaire nationale et d’offrir une réponse à la demande régionale croissante en produits tels que le cacao et le café, tout en réduisant la demande en nouvelles terres et les incitations à la déforestation pour la production agricole. 

Parmi les jalons à atteindre, on note celui d'au moins 300,000 producteurs (soit 250,000 de plus qu’à la date de la signature) qui pourront accéder aux divers mécanismes directs de subvention agricole - tels que bons d’achat électroniques, cofinancement de plans d’affaires, co-financement des plans de transition agroécologique - d’ici fin 2025. 

2) La préservation et gestion durable du domaine forestier permanent, qui couvre près de 18 millions d’hectares, soit plus de 39% du territoire national. 

3)    La gouvernance intersectorielle et à de multiples niveaux des ressources naturelles- ce pour assurer la cohérence territoriale, l’attractivité et la compétitivité économique du pays en améliorant le bien-être de sa population. Pour y parvenir, les parties s’engagent à l’atteinte de jalons clairs tels que l’élaboration de plans nationaux agro-industriels, mine-métallurgie-sidérurgie et forêt-bois qui intègrent et soient cohérents avec les objectifs du partenariat CAFI-Cameroun.

Un pilotage effectif par le Ministère de l’Economie 

Outre l’ancrage de ses partenariats au plus haut niveau, l’un des axes phares de l’approche CAFI a toujours été d’assurer le pilotage et le suivi des partenariats par des ministères cross-sectoriels, qui ont le mandat d’effectuer des arbitrages sur différentes utilisations de terres. En 2021, la Présidence du Cameroun a mandaté le Ministère de l’Economie, de la planification et de l’aménagement du territoire (MINEPAT) pour coordonner le partenariat avec CAFI. 

Sous ce pilotage, ce ne sont donc pas moins de 8 ministères, ainsi que le Fonds national de développement des filières cacao et café (FODECC), dont l’engagement est pleinement inscrit dans la Lettre d’intention.

Cohérence pleine avec les engagements nationaux, régionaux et internationaux

Cette première Lettre d’intention s’appuie sur de nombreux objectifs et engagement pris par le pays. A l’échelle nationale, ce partenariat s'inscrit dans les orientations de la Vision 2035 du Cameroun dans l’atteinte des objectifs d’émergence fixés par sa Stratégie Nationale de Développement 2020-2030, sa Contribution Déterminée au niveau national (CDN) pour réduire les émissions de gaz à effet de serre à hauteur de 35%, notamment en matière de chaînes de valeur agricoles et forestières ; et ses engagements de protéger au moins 30% de son territoire d’ici 2030 (« objectifs 30x30 « «).

Au niveau régional, on note l’alignement avec le Plan de Convergence de la COMIFAC pour la gestion durable des écosystèmes forestiers africains 2015-2025 et ses six axes prioritaires d’intervention, ainsi que la Déclaration d’engagement des États membres de la COMIFAC pour les forêts d’Afrique centrale et l’appel pour un financement équitable du 26 août 2021.

Au niveau international enfin, cette Lettre d’intention permettra la conformité aux exigences du Règlement Européen sur la déforestation importée (EUDR), ainsi que les accords de Partenariat entre l’Union Européenne et la République du Cameroun sur l’application des réglementations forestières, la gouvernance et les échanges commerciaux des bois et produits dérivés vers l’Union Européenne (APV/FLEGT).

Réduire la déforestation en assurant le développement économique : l’exemple du cacao

Le premier projet financé dans le cadre de ce partenariat, approuvé par le Conseil d'adminstration de CAFI en juin 2024, symbolise l’un des principaux objectifs du partenariat en matière d'agriculture libre de déforestation.

Cinquième producteur mondial de cacao et grand producteur de café, le Cameroun s'est engagé à produire du cacao durable et à aider ses producteurs à se conformer aux exigences de l’EUDR. Les 700 000 producteurs de café et de cacao du Cameroun, dont la majorité sont des petits exploitants, sont en effet confrontés à des défis majeurs, par exemple, en ce qui concerne certaines exigences de transparence en matière de géolocalisation. Pour les soutenir dans leur production agro-écologique de café et de cacao, le Cameroun a développé un outil de financement unique, le FODECC, appuyé par l’Union Européenne qui gère un mécanisme de financement direct des producteurs de cacao et de café, via des subventions. Appelé le « Guichet Producteurs » , ce système est financé à hauteur de 12 millions d'euros/an an sur fonds domestiques via des prélèvements sur les exportations de cacao et de café.

L'objectif du gouvernement camerounais est de démultiplier le dispositif pour accompagner l'ensemble des 700 000 ménages camerounais dépendant de ces 2 filières d'exportation vers l'Europe, et à terme d'accompagner les 2,7 millions de ménages camerounais dépendant de l'agriculture dans leur transition vers des pratiques agroécologiques sans déforestation.

Le premier projet d’appui de CAFI au Cameroun, financé à hauteur de 20 millions deouis juin 2024 et mis en oeuvre avec le Fonds international de développement agricole (FIDA), vise à renforcer les capacités du FODECC, à accroître la production nationale de café et de cacao via l’abondement des mécanismes de Guichet Producteurs, et à augmenter et diversifier les ressources financières internes et externes, notamment via des mécanismes de paiements pour services environnementaux

CAFI-Cameroon: un partenariat en 3 phases

En 2021, la présidence du Cameroun mandatait le Ministère de l’Economie, de la planification et de l’aménagement du territoire (MINEPAT) pour coordonner le partenariat avec CAFI, sur la base d’un partenariat en trois phases 

Une phase de démarrage (2023-2026), en cours, pour renforcer les capacités des autorités nationales et locales et des communautés. Cette phase comprend un financement de 60 millions pour quatre projets portant sur l'appui au Fonds de Développement des filières Cacao et Café (FODECC) mis en œuvre par le FIDA, approuvé et financé à hauteur de 20 millions depuis juin 2024, ainsi que l’appui à la Coordination Intersectorielle et multi-niveaux ($13,6 millions), le Renforcement des capacités en matière d'aménagement du territoire ($6,26 millions) et la Gestion intégrée du paysage du Grand Mbam ($20 millions).

Une phase d’engagement (2026-2023) au cours de laquelle le gouvernement du Cameroun définit des engagements politiques conformes à la stratégie nationale de développement, avec des jalons sur la déforestation et la dégradation des forêts. Une programmation budgétisée est préparée.

Une phase d’expansion (au-delà de 2027) durant laquelle les partenaires s’efforcent d’augmenter progressivement le financement et les actions pour atteindre les jalons.

 

Image
Ministerial Exchange CAFI Cameroon LoI
Minister Schulze (Germany), Lejeune (Cameroon), Mey (Cameroon) and UNDP Administrator Achim Steiner at ministerial exchange on CAFI- Cameroon LOI at Hamburg Sustainability Conference - 7 October 2024 - PhotoCredit @UNDP